
Dans un monde où l’urgence climatique devient de plus en plus pressante, la compréhension et la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre (GES) s’imposent comme des enjeux majeurs pour les organisations. Pour répondre à ces défis, un système de classification des émissions a été mis en place, connu sous le nom de scope 1 2 3. Cette méthodologie permet aux entreprises et institutions de mesurer, comprendre et gérer leur impact environnemental de manière structurée et exhaustive.
La classification des émissions en différents scopes représente bien plus qu’une simple catégorisation administrative. Elle constitue un véritable outil stratégique permettant aux organisations d’identifier leurs sources d’émissions, de prioriser leurs actions de réduction et de mettre en place des stratégies de décarbonation efficaces et ciblées.
Cette approche méthodologique, développée initialement par le Greenhouse Gas Protocol, est aujourd’hui devenue un standard international, adopté par des milliers d’organisations à travers le monde. Elle offre un cadre commun permettant de comparer les performances environnementales et de fixer des objectifs de réduction cohérents et ambitieux.
Le Scope 1 : Les Émissions Directes sous Contrôle
Le scope 1 englobe toutes les émissions directes provenant des installations et des équipements détenus ou contrôlés par l’organisation. Ces émissions sont les plus évidentes à identifier et à mesurer, car elles résultent directement des activités de l’entreprise. Par exemple, une usine qui utilise des chaudières au gaz naturel pour son processus de production génère des émissions de scope 1 lors de la combustion de ce combustible fossile.
Dans le secteur des transports, les véhicules appartenant à l’entreprise et utilisés pour la livraison de marchandises ou le déplacement des employés constituent également une source majeure d’émissions de scope 1. Ces émissions sont directement liées à la consommation de carburant et peuvent être calculées avec précision à partir des relevés de consommation.
Les fuites de fluides frigorigènes des systèmes de climatisation et de réfrigération sont un autre exemple d’émissions de scope 1 souvent négligé. Bien que moins visibles que les émissions de combustion, ces fuites peuvent avoir un impact significatif sur le bilan carbone d’une organisation, car ces gaz ont un pouvoir de réchauffement global très élevé.
Pour les entreprises agricoles, les émissions directes incluent également les émissions de méthane provenant de l’élevage et les émissions liées à l’utilisation d’engrais. Ces sources d’émissions, bien que naturelles, doivent être comptabilisées car elles résultent directement des choix et pratiques de l’exploitation.
Le Scope 2 : La Question de l’Énergie Indirecte
Le scope 2 concerne spécifiquement les émissions indirectes liées à la consommation d’énergie, principalement l’électricité, mais aussi la chaleur et le froid achetés par l’organisation. Ces émissions, bien qu’indirectes, sont étroitement liées aux activités de l’entreprise et représentent souvent une part importante de son impact environnemental.
La particularité du scope 2 réside dans le fait que les émissions ne se produisent pas sur le site de l’organisation, mais au niveau des centrales de production d’énergie. Par exemple, lorsqu’une entreprise consomme de l’électricité pour éclairer ses bureaux ou faire fonctionner ses équipements, les émissions associées dépendent du mix énergétique du pays ou du fournisseur d’électricité.
L’enjeu du scope 2 est particulièrement important dans le contexte de la transition énergétique. Les organisations peuvent significativement réduire ces émissions en optant pour des contrats d’approvisionnement en électricité verte ou en investissant dans leur propre production d’énergie renouvelable.
Les émissions de scope 2 varient considérablement selon les pays et les régions, en fonction de leur mix énergétique. Une même consommation d’électricité peut ainsi avoir un impact carbone très différent selon qu’elle provient d’une centrale à charbon ou d’un parc éolien.
Le Scope 3 : L’Étendue des Émissions Indirectes
Le scope 3 représente la catégorie la plus large et souvent la plus complexe à évaluer, car elle englobe toutes les autres émissions indirectes liées à la chaîne de valeur de l’organisation. Ces émissions peuvent représenter jusqu’à 80% de l’empreinte carbone totale d’une entreprise, d’où l’importance cruciale de leur prise en compte.
Dans le scope 3, on retrouve les émissions liées aux achats de matières premières et de services, au transport des marchandises par des prestataires externes, aux déplacements professionnels des employés dans des véhicules non détenus par l’entreprise, et même à l’utilisation des produits vendus par les clients finaux.
La complexité du scope 3 réside dans la nécessité de collecter des données auprès de nombreux acteurs de la chaîne de valeur. Par exemple, pour une entreprise textile, cela implique de prendre en compte les émissions liées à la culture du coton, à sa transformation, au transport des matières premières et des produits finis, mais aussi au lavage des vêtements par les consommateurs.
Le scope 3 inclut également des émissions plus indirectes comme celles liées aux investissements financiers, à la fin de vie des produits, ou encore aux déplacements domicile-travail des employés. Cette exhaustivité permet une vision complète de l’impact environnemental de l’organisation.
Méthodologie et Calcul des Émissions
La quantification des émissions pour chaque scope nécessite une méthodologie rigoureuse et des données fiables. Pour le scope 1, les calculs se basent principalement sur des données de consommation directe multipliées par des facteurs d’émission standardisés. Par exemple, la consommation de carburant est convertie en émissions de CO2 grâce à des coefficients spécifiques à chaque type de carburant.
Pour le scope 2, les calculs prennent en compte la consommation d’énergie et les facteurs d’émission du mix énergétique utilisé. Deux approches sont possibles : la méthode « location-based » qui utilise le mix énergétique moyen du réseau, et la méthode « market-based » qui tient compte des contrats spécifiques d’approvisionnement en énergie.
Le calcul des émissions de scope 3 est plus complexe et nécessite souvent l’utilisation de données moyennes ou d’estimations. Des bases de données sectorielles et des outils spécialisés permettent d’estimer ces émissions à partir de données d’activité comme les montants d’achats, les kilomètres parcourus ou les quantités de produits vendus.
Stratégies de Réduction et Actions Concrètes
La réduction des émissions nécessite une approche différenciée selon les scopes. Pour le scope 1, les actions peuvent inclure l’amélioration de l’efficacité énergétique des installations, le remplacement des équipements par des modèles plus performants, ou la transition vers des énergies renouvelables.
Concernant le scope 2, la stratégie principale consiste à optimiser la consommation d’énergie et à privilégier des sources d’énergie bas carbone. Cela peut passer par l’installation de panneaux solaires, la souscription à des contrats d’électricité verte, ou la mise en place de systèmes de management de l’énergie.
Pour le scope 3, les leviers d’action sont multiples mais nécessitent souvent une collaboration étroite avec les fournisseurs et les clients. Cela peut inclure l’optimisation des emballages, le choix de modes de transport moins émissifs, ou l’écoconception des produits pour réduire leur impact durant leur utilisation.
Le succès d’une stratégie de réduction des émissions repose sur la mobilisation de l’ensemble des parties prenantes et sur une vision à long terme. Les objectifs doivent être ambitieux mais réalistes, et s’accompagner d’indicateurs de suivi précis pour mesurer les progrès réalisés.
La maîtrise des émissions de gaz à effet de serre à travers les différents scopes représente aujourd’hui un enjeu stratégique majeur pour les organisations. Cette approche structurée permet non seulement de répondre aux exigences réglementaires croissantes, mais aussi de s’engager concrètement dans la transition écologique.
La réduction des émissions n’est plus une option mais une nécessité, tant pour la préservation de l’environnement que pour la pérennité des organisations. En comprenant et en agissant sur leurs différents scopes d’émissions, les entreprises peuvent contribuer activement à la lutte contre le changement climatique tout en développant leur résilience face aux défis environnementaux futurs.